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17 février 2012

P1 : RENCONTRES ET ARCHITECTURE

 

  A l'annonce du principe de notre projet de premier semestre, j'ai dans un premier temps été entièrement déroutée. La démarche ne me semblait pas évidente et je découvrais un milieu complètement différent de ce que j'avais connu jusqu'à présent : l'apprentissage et l'exercice laissaient place à la découverte personnelle et au travail initiatique.

  Ma première confrontation volontaire avec le parcours a donc été la découverte de La Courneuve, en effet, habitant à Châtelet, j'ai décidé d'envisager le trajet en sens inverse, de débuter par un milieu opposé, du moins géographiquement, à celui que j'arpentais depuis mon arrivée à Paris.

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  Un vendredi matin du mois d'octobre, j'ai pris avec des amis la ligne 7 qui suit la totalité du parcours de Châtelet à La Courneuve.Alors que je n'avais aucune attente particulière, j'ai assisté à un défilé de milieux sociaux très différents : la mixité m'a semblé bien plus importante de Châtelet à Opéra que par la suite. A la sortie du métro, je suis arrivée au beau milieu du marché, le dépaysement était total : j'étais partie du centre de Paris avec ses grands et impressionnants immeubles haussmanniens qui supposent un certain étouffement aucune visibilité lointaine n'étant possible, pour arriver dans ce que j'analysais comme étant une place de village,une boulangerie, des stands, etc... les autres élèves qui étaient déjà venus nous avaient prévenu qu'une certaine vigilance était nécessaire, La Courneuve étant un quartier populaire. J'ai donc été surprise de voir que malgré des regards insistants portés sur nous à cause de nos appareils-photo, les commerçants, ainsi que les passants étaient très agréables et nous parlaient le plus souvent avec humour. Cependant, des policiers arpentaient les routes, fusils à la main. En avançant, nous avons tout de même fait face à une ou deux altercations avec des passants, le plus souvent à cause des photos que nous prenions, sans doute n'avons nous pas été assez discrets et, peut être, respectueux de l'image de l'autre. J'avoue avoir pris conscience au cours de cette balade de la position de supériorité dont quelqu'un peut disposer grâce à un appareil photo.

  En empruntant l'avenue principal, nous avons pu faire quelques rencontres : deux hommes d'un certain âge se trouvaient devant leur magasin, et nous ont expliqué qu'ils connaissaient très bien Paris, l'un d'entre eux avait une fille qui y habitait et il y avait lui-même travaillé, il nous parla de l'évolution du quartier, Paris ne lui manquait pas : bien qu'il ait adoré cette ville, il n'avait aucun intérêt à y retourner son quotidien se trouvant maintenant exclusivement à La Courneuve. Son magasin était une sorte de grand débarra, un bazar incroyable s'y trouvait.

IMG_4295  En continuant le long de la route, un jeune homme du quartier nous a interpelé, il voulait qu'on le prenne en photo, pour immortaliser sa sortie de prison de la veille, voyant qu'on acceptait volontiers, il s'est rétracté. Après avoir discuté quelques minutes, il nous a conseillé de ranger nos appareils-photo avant d'arriver au Quatre Chemins apparemment bien plus risqué que La Courneuve.

 

Arrivés au périphérique, il a été très difficile de traverser, aucune infrastructure n'a été installée pour permettre aux piétons de passer de l'autre coté de la frontière parisienne. Une fois les boulevards périphériques et Mc Donald passés, nous sommes arrivés au parc de La Villette, il m'est alors apparu comme une pause dans la ville, son architecture ne correspond ni à la banlieue, ni à Paris intramuros, il y a très peu de bruit contrairement au boulevard Mc Donald où les travaux sont assourdissants et on y retrouve des grands espaces.

Au cours de cette matinée, mes premières interrogations sont apparues et je me suis questionnée sur les raisons de ce parcours. Il m'a été très difficile de cibler la fonction et le but de cette démarche, je tentais de porter attention à tout ce qui m'entourait, de voir ce qu'habituellement nous n'apercevons même pas, mais rien ne m'indiquait la marche à suivre : le parcours et ce que j'y découvrais me semblait bien trop dense pour pouvoir l'explorer et le comprendre en un semestre !

Cependant, après avoir arpenté le reste du parcours j'ai décidé de m'intéresser plus précisément aux rencontres, l'enseignement du récit urbain (autrement dit le P1) m'apparait comme un développement de sa vision sur la ville ainsi qu'une incitation à s'ouvrir à l'inconnu. Les rencontres me semblent donc être un point fort de mon cheminement. Je pense que certains espaces urbains incitent ou en tout cas supposent une ouverture à l'autre volontaire, anecdotique, futile, ou non. Le lien à autrui, de toute sorte, est indispensable à la vie en société, nous existons à travers l'autre.

L'architecture des villes interroge cette affirmation. En effet, certains espaces semblent faciliter les rencontres, ou du moins les interactions entre les individus qui évoluent dans la ville qu'elles soient positives ou non. A l'inverse, d'autres espaces marquent des frontières claires et déterminantes.


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Il m'a semblé intéressant de me pencher sur le Parc de la Villette pour illustrer et interroger mon thème principal, en effet, Bernard Tschumi a imaginé cet espace au coeur d'un lieu de rupture indiscutable entre Paris et sa banlieue. Le parc est pourtant grâce à ses grands axes reliant la banlieue et la ville, à son parcours cinématographique et toutes autres inventions de Tschumi, un lieu visant à rompre les frontières.




Dans un premier temps, j'ai souhaité réaliser une maquette du parc, des promenades proposées par Tschumi grâce à des axes majeurs de l'espace, et surtout, de ses voies d'accès. Cette maquette était irréalisable au centième, j'ai donc décidé de la synthétiser par une partie du parc phare dans mon projet : la sortie du métro 7 et l'entrée à laquelle mène l'avenue de Flandres et le boulevard Mc Donald, autrement dit, les flux parisiens, et les flux des périphéries. Comprendre le parc était indispensable, je me suis déplacée de nombreuses fois sur place, pour prendre des photos, dessiner, et parler à des passants. Pour avoir les mesures les plus précises possibles, j'ai imité Larissa Fassier : sur place, j'ai mesuré une plaque de ciment dont le sol est fait puis j'ai conté le nombre de plaques entre deux points dont la distance m'intéressait. De même, en mesurant la hauteur et la profondeur d'une marche, j'ai pu en déduire la hauteur et la longueur des escaliers.


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L'espace étant grand et difficile à modéliser après une ou deux visites, j'ai réalisé des dessins pour mieux comprendre la structure de l'espace et particulièrement de la sortie de métro. 

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A côté de cette grande maquette, j'ai également modélisé une des folies du parc. Les folies sont une des entités structurelles du parc, elles forment la grille de Tschumi, de plus, elles incitent à la découverte de nouveautés : certaines sont de simples restaurants, ou encore des billetteries, d'autres exposent des oeuvres d'artistes, promeuvent des expositions, des spectacles, etc... Elles jouent donc un rôle important dans l'organisation du parc. De plus, le rapport d'échelle entre ma première maquette et celle-ci me semble intéressant. Afin de la réaliser, je l'ai également représenté par le dessin, cette fois ci à l'aquarelle, sachant grâce au livre Cinégramme Folies de Bernard Tschumi que chacune d'entre elles est un cube de 10m d'arrête qui a été tronqué.

  

  Le parc relie Paris et sa Banlieue puis, Porte de Pantin et Porte de la Villette grâce à deux grands axes, il est un lieu de passage quotidien ou plus anecdotique, parler avec des passants a été très intéressant pour mieux comprendre le lieu, bien que chaque rencontre soit très subjective et nécessite donc d'être envisagée avec prudence sans accorder un crédit total aux propos recueillis.

  La structure du parc est propice aux découvertes et aux rencontres de toutes sortes, la grille qu'a formé Tschumi grâce aux folies permet de faciliter le mouvement à travers le parc, et donc se confronter à des nouveautés culturelles, sociales et esthétiques.

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Dessins extrait de Cinégramme Folie, le parc de la Villette, Bernard Tschumi


Pour illustrer ces caractéristiques, il m'a paru intéressant de réaliser une vidéo d'une balade au parc ainsi par l'axe qui retrace l'axe Porte de la Villette - Porte de Pantin tout en croisant les différents lieux que Tschumi met en avant grâce à sa « promenade cinématographique » et qui offre aux piétons différents cadrages des paysages aux multiples interprétations. De plus, discuter avec des passants sur leur appréciations du lieu était intéressant pour tenter de déterminer si le projet de Tschumi est une réussite, sans donner aucune réponse claire, les témoignages peuvent du moins donner des indices. C'est ainsi que j'ai rencontré Annabelle, elle vient souvent au parc, simplement parce qu'elle habite dans les alentours ,passer par le parc lui permet donc de réduire la durée de ses trajets. Elle avoue ne pas souvent sortir de son quartier, le XVIII e, à des fins personnelles elle se concentre sur le XIX e et le XX e, c'est uniquement pour son travail, qui nécessite un déplacement régulier dans de nombreux restaurants qu'elle dépasse les limites de sont quotidien pour explorer le reste de Paris. Cependant, elle affirme ne jamais franchir le périphérique. J'ai aussi pu rencontré Pierre, il était également là pour le travail mais le parc n'est pas seulement un lieu de passage pour lui puisque la réunion à laquelle il doit assister se déroulait dans la Cité des Sciences. Lorsque je lui ai demandé s'il dépasse souvent le périphérique, il a répondu avec un sourire ironique qu'évidement, il lui arrive de sortir du centre de Paris. Après un temps d'arrêt, il avoue tout de même que ces déplacements ne sont jamais à des fins personnelles. Il ne vient pas souvent ici, mais l'endroit lui est familier puisqu'il habitait le quartier étant plus jeune. Il s'intéresse à mon projet et semble vouloir en savoir plus. Après lui avoir expliquer ma démarche, il m'expose son point de vue. D'après lui, l'architecte n'est pas en mesure de faciliter et de créer les liens sociaux ou de casser des frontières. Le parc ne lui semble pas être une réussite à l'exception de l'été, où les jeunes des quartiers « très populaires » alentours viennent jouer au football dans le parc. D'après lui, les abattoirs qui existaient avant étaient bien plus efficaces que le parc lui-même, en effet, ils permettaient le rassemblement des quartiers alentours dans les restaurants que les abattoirs alimentaient. Pierre a du me quitter pour être à temps à sa réunion.


De la même façon, j'ai pu discuter rapidement avec la réalisatrice d'un spectacle du parc ou encore une employé du manège, la première a semblé très heureuse du succès de son oeuvre qui s'est révélé être bien plus grand que suivant ses attentes. Le public était très chaleureux et diversifié. La seconde semblait moins heureuse de la période des vacances de Noël qu'elle passait dans le froid, celui-ci impliquant un nombre de consommateurs limités. Ces rencontres m'ont aidé à mieux comprendre le parc, il est bien plus facile d'aborder des personnes dans un endroit calme, spacieux mais tout de même fréquenté, ce que je souhaite montrer dans cette vidéo.

 

Cependant, la base de mon projet étant les rencontres, je ne pouvais me concentrer uniquement sur le parc, mais également sur son insertion dans le contexte alentour, la cartographie m'a permis d'étendre mon angle de vue. Le parc de la Villette est comme je l'ai mentionné plus haut, un lieu à part, il a une structure totalement différente des quartiers alentours et une utilité qui lui est propre, cependant, on remarque tout de même une certaine unicité, il s'intègre parfaitement dans son environnement tout en conservant sa singularité. Cela permet donc un passage facilité d'un quartier à l'autre, offrant des passages directs et distrayants, ce qui n'est pas nécessairement le cas. J'ai dans un premier temps réalisé deux cartes à l'aide de tissu, symbole du tissu urbain. L'une montrait la singularité de la structure du parc par rapport au reste de la ville, tandis que la seconde montrait malgré cela un ancrage dans la ville caractéristique. Cependant, la précision que je donnais à la représentation du parc n'était donc pas présente dans le reste du secteur, mais l'idée de tissu est resté. J'avais pris connaissance de certains travaux de Tschumi qui avait réalisé une maquette transportable, en effet, il avait fabriqué une valise dans laquelle se trouvait toutes les entités de la maquettes tandis que sur le dessus se trouvait le plan de la maquette. De plus, je connaissais partiellement l'oeuvre de Marcel Duchamp qui a réalisé un musée portatif : une boîte-en-valise qui lui permet d'exposer des reliques miniatures de ses oeuvres. Une carte étant une représentation miniature de la ville mais qui existe tout de même par elle-même, il m'a semblé intéressant de créer une valise en carton recouverte de tissu et qui contiendrait une carte du parc et des quartiers alentours, soulignant à la fois la structure singulière du parc et son insertion dans la ville.

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La boîte-en-valise de Marcel Duchamp

 

Il m'a ensuite semblé intéressant d'utiliser la valise pour tout mon travail, en effet, chacune de mes productions sont des représentations miniatures de la réalité mais qui existent en autonomie. Les dessins, maquettes, textes ou encore les portraits y ont donc leur place. Tschumi a crée avec le parc de la Villette un lieu propice aux rencontres de types très différents, mais j'ai trouvé qu'il était intéressant de trouver un autre espace, également propice aux rencontres à la différence que les individus qui s'approprient l'espace font la démarche consciente de s'intégrer à un groupe sociale, une communauté. J'ai d'abord pensé au jardin partagé du parc mais celui-là n'est pas ouvert pendant la plus grande partie de l'année, de plus, sortir du cadre que je m'étais fixé au début du semestre me plaisait, j'ai donc cherché une organisation similaire : une AMAP, c'est une association qui se réunit toute les semaines afin que chaque adhérents récupèrent un panier de légumes produits par un agriculteur attitré ne vivant que de l'achat de ses paniers. Habitant à Poitiers, j'ai pu rencontré l'agriculteur, les créateurs, ainsi que les adhérents de l'AMAP Le Plateau de Poitiers. La cohésion entre les acteurs de ce lieu était très significative de l'état d'esprit au sein de l'association. La plupart des adhérents semblaient très heureux de participer à un circuit court de marché qui favorise l'entraide : chaque adhérent doit aider l'agriculteur sur le terrain et faire des permanences : chaque jeudi au cours des rassemblement, un ou deux amapiens doivent distribuer les paniers et faire les comptes.

Les personnes avec qui j'ai pu discuter ont toutes présentées des avis différents, j'ai donc pensé que des portraits pouvaient être réalisé : dans un premier temps, le portrait de l'association qui est de mon point de vue constituée d'une multitude de réseaux d'intérêt qui rassemble les individus, puis des portraits d'adhérents, chacun présentant des positions différentes face au contexte de l'association.

J'ai pris connaissance au cours de ce semestre de The Legible City  de Jeffrey Shaw qui parle de l'image comme un langage, et j'ai pensé qu'une ville étant faite de réseaux, je pouvais comparer cette association à une ville de ce point de vu. J'ai donc réalisé des calligrammes pour tirer le portraits de l'association dans un premier temps en représentant à l'aide d'écriture les différents centre d'intérêts que les amarines avaient pu évoquer et en reliant chacun grâce aux adhérents, leur nom et leurs caractéristiques au sein de l'association. Dans un deuxième temps, je me suis penchée sur les adhérents eux mêmes et leur impressions aux seins de l'organisation qui m'est apparue comme une communauté familiale et solidaire. De nombreuses personnes se rejoignent pour aider un agriculteur qu'ils ne connaissent initialement pas, non seulement dans son travail et ses cultures, mais également pour survivre, ce travail lui suffisant à peine pour subvenir à ses besoins.

Cependant, certains amapiens ne voient pas cette association comme un lieu sociale, ils semblent encore être dans la relation client-marchand, sans réellement participer à la vie dans l'AMAP. Il est effectivement difficile de créer des espaces propices aux rencontres, aux solidarités, aux entraides entre les hommes, l'architecte a-t-il ce pouvoir ? Peut-il par l'organisation de l'espace urbain parvenir à contrer une culture individualiste ?

 

Tschumi a crée un lieu pour faciliter les rencontres sociales malgré les individus, en effet, la démarche n'est pas volontaire, on ne vient pas dans ce parc dans le but de faire de nouvelles rencontres, mais elles doivent être favorisées par l'espace. Tshumi parle de l'architecte comme un « inventeur de relations ». Voici mon interrogation durant ce semestre : peut on inciter les rencontres grâce à l'architecture ?

 

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